Forêt
Une installation sonore et lumineuse.2006
Par Julien Hô Kim et Guillaume Stagnaro.



Préambule

"Construire un feu" de Jack London, c’est le texte point de départ de l’installation "forêt".
Dans le grand Nord Canadien, un homme avec son chien marche dans le froid, le jour décroissant et la température chutant. Tout tient aux fragiles allumettes avec lesquelles il pourrait se faire un feu, et sauver sa vie. Rien d’autre que lui , la nature et son chien. Le regard que ce dernier porte sur l’agitation humaine est sans appel.

Construire un feu dans ces conditions, c’est un peu comme construire sa vie. Seul, il est difficile de réussir et d’aller bien loin. Au cœur d’un environnement dangereux, la lucidité de l’animal est impuissante face à l’aveuglement d’un être humain isolé, livré aux seules ressources de son savoir et de sa résistance corporelle. La mort du personnage a beau être prévisible et incontournable, elle intervient toujours comme une absurdité auquel on avait pas pensé.

"Mais il n’eut pas le temps de couper ses lacets. Cela arriva par sa faute, ou plutôt son erreur. Il n’aurait pas du construire son feu sous le sapin. Il aurait du le construire à découvert. Mais il avait trouvé plus commode de tirer des branches des broussailles et de les jeter directement sur le feu. Or l’arbre sous lequel il avait fait cela portait sur ses branches une masse de neige. Il y’ avait des semaines que le vent n’avait soufflé, et chaque branches étaient aussi chargées qu’elle pouvaient l’être. Chaque fois qu’il tirait une brindille, l’homme avait communiqué à l’arbre une certaine agitation- une agitation imperceptible, en ce qui le concernait, mais suffisante pour provoquer la catastrophe. Tout en haut de l’arbre, une branche déversa son chargement de neige. Celui-ci tomba sur les branches en dessous et les fit verser à leur tour. La chute continua, s’accéléra, s’étendit à l’arbre entier. Elle grossit comme une avalanche et descendit sans crier gare sur l’homme et sur le feu, et le feu fut anéanti! Là ou il avait brûlé gisait en désordre une cape de neige fraîche."

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réalisation Julien Sallé

Proposition

L’installation est constituée de plusieurs arbres sonores et lumineux repartis dans un espace d’exposition (le nombre de modules varie en fonction de la taille de la pièce) . Les arbres sont des tiges de métal posées à même le sol, maintenues à la vertical dans un équilibre fragile - sans contact - par l’aimantation de haut-parleurs suspendus au plafond. Les tiges-troncs vibrent légèrement au rythme du son diffusé par les haut-parleurs et une douche de lumière vacillante émane de chacun des haut-parleurs vers le sol. L’ensemble des arbres - la forêt - est le support d’un travail acoustique (acousmatique) spatialisé - une pièce fictionnelle, linéaire, l’histoire d’une cheminement vers une fin inéluctable.

Cette installation est un dispositif narratif. Ni totalement génératif, ni seulement linéaire, c’est une trame sonore fictionnelle se fondant avec des micro-événements spatialisés dans le temps et l’espace. Elle se présente comme un espace à explorer et à expérimenter - un espace sonore, simulé et autonome - mis en relation avec l’espace physique du lieu d’exposition et de la présence du visiteur.

Les tiges des ‘arbres’ sont les interfaces, les points de rencontre entre ces deux espaces : l’espace simulé fictionnel, sonore et lumineux et l’espace réel formée par cette forêt métallique.
des images de Forêt


Forêt est presentée pour la 6ème édition du festival arborescence
files/arbo2006.jpg
Le texte de Jack London dans sa version intégrale et originale: To build a fire





Forêt est programmé avec Max.
C'est un système autonome qui s'écoute en permanence.
Il ya une dizaine de générateurs basses fréquences (calculés afin de faire travailler la membrane des hp et donner ce son "gras"), et un micro stéréo.
Le programme récupère ce qu'entend le micro. Ses variables (amplitude et fréq), vont modifier en temps réel les générateurs afin de créer des micros variations, des battements harmoniques, des oppositions de phases.
La spatialisation est écrite avec une variable aléatoire en plus, ce qui donne des mouvements organisés, mais dont les séquences varient en permanence.
Pour la lumière, une ampoule est couplée à un hp, donc quand le signal passe dans le hp, il passe dans l'ampoule (grâce à un petit circuit électronique) et son intensité varie en fonction de l'amplitude du signal audio.
Forêt est un environnement, réactif, "sensible", contemplatif, et non pas une installation interactive. Elle existe seule.
Le "promeneur" est uniquement une des variables de l'environnement et non pas le moteur principal.

fiche technique de Forêt
maquette